Par ici, par ici ,les gazelles!

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Boîte à pilules

lundi 14 mars 2011

LIBIDO FÉMININE ET BAISSE DE DÉSIR... HISTOIRE D’UNE INTOUCHABLE

 Oubliées des temps passés, la libido des femmes commence à pointer son nez dans la littérature scientifique et celle du tout public. Quid de la baisse de plaisir chez les femmes - celle masculine nous ayant tant accaparé - qu'en est-il de sa représentation actuelle et de sa prise en charge dans le monde médico-social?
Il était une fois une femme, des femmes, blasées par le sexe, peu à l’aise, voire indifférentes dans l’intimité coïtale, mais peu disposées à en parler, reconnaissant cela comme un état de fait, comme un phénomène non loin de la sombre fatalité...des femmes. Après tout, il faut veiller sur les enfants, éventuellement briller professionnellement, satisfaire l’appétit de son mari aux heures intimes, et pour le plaisir, mon plaisir,...euh, on verra tout à l’heure. L’idée d’en parler à un médecin, est ici encore bien loin...
 Phénomène antérieur ? Tabou dépassé ? Difficile de s’imaginer, qu’à l’heure d’une sexologie trendy s’affichant dans toute la presse féminine et une multiplication des sexothérapies, ce sujet si brûlant puisse rester délaissé. Et pourtant...
Deux études très récentes1,2 se sont penchés sur ce bébé oublié. Elles relatent des résultats d’études semi-récentes , dont l’étude WISHeS* (1998) qui fait état, en Europe, d’une baisse de désir chez 6% des femmes non ménopausées, et 16% des femmes ménopausées suite à une chirurgie. Plus fréquente que bon nombre de pathologies psychiatriques qui font tant parler, et si peu diagnostiquée, qu’en est-il de la vision des spécialistes sur ce sujet oublié?
Après avoir été théorisée par Freud, la frigidité, assimilée par ce dernier à un refus de féminité, alors quasi-synonyme de passivité, a évolué doucement dans les mains des psychiatres, jusqu’à en devenir un diagnostic à part entière: les Dysfonctions Sexuelles Féminines (DSF).
Les DSF ont été évoquées pour la première fois dans le manuel diagnostique des maladies mentales (DSM II) en 1968, là où le cœur de la deuxième vague du féminisme battait son plein. De fil en aiguille, ce trouble a connu nombre d’évolutions.
En 2004, une première subdivision se crée, entre trouble du désir, trouble de l’excitation sexuelle, trouble orgasmique féminin, et trouble liés à une sexualité douloureuse.
En 2011, psychiatres et sexologues envisagent de regrouper, pour la prochaine version du DSM (DSM V), les deux premiers (les plus fréquents) en un seul trouble: le Trouble de l’intérêt/de l’excitation sexuelle chez les femmes.
En même temps que se pose la question du diagnostic, se pose indéniablement celle du traitement. Ici, les choses deviennent plus sombres, et les débats houleux. Le rétro-pédalage, en marche pour certains, leur fait dénier l’aspect morbide du malaise sexuel féminin, et suspecter une influence marketing des labos pharmaceutiques sur l’apparition de ce nouveau diagnostic (maladie=médicament=business...A méditer).
A côté, des scientifiques mobilisés s’attachent depuis à peine quelques années à comprendre l’énigme et la complexité du plaisir, lié pourtant depuis toujours à la féminité. Telle une ado attardée, la recherche sur ce thème reste balbutiante. On arrive à y extraire tout de même quelques bribes de compréhension, à définir, avec quasi-certitude, l’origine pluri-factorielle de ce trouble : dysfonctionnements hormonaux, causes psycho-sociales, causes médicamenteuses ou médicales.
Quelques médicaments pointent leur nez (entre autres, la testostérone), mais retrouvent vite refuge sous terre, telles des taupes apeurées. Le féminisme a fait de grands pas, mais les perspectives naissantes (modulateurs du plaisir sexuel, correcteurs hormonaux), trop fines et trop fragiles, de par des résultats scientifiques estimés non suffisants, perdent finalement le fil. De marche arrière, en marche avant, les aboutissements sont décevants. Un coup d’œil jeté sur le banc des élixirs pharmaceutiques du désir masculin, et on comprend le déséquilibre homme-femme auquel le traitement de la libido est enclin.
En outre, malgré la fréquence de cette affection chez les femmes, ce trouble reste très peu diagnostiqué : pudeur des médecins et autres soignants, pauvreté des traitements (à quoi bon demander si l’on a pas de quoi traiter...la question peut se poser), et surtout, surtout, omission raffinée d’en parler... « Oh, non, je ne vais pas oser... Je vais le gêner... Je préfère assumer ». 
Ouste là le raffinement, les manières, la pudeur de parler ! La baisse de désir sexuel peut être à l’origine d’une détresse psychologique et physique importante, et est fréquemment associée à des conséquences négatives sur l’épanouissement personnel et la relation de couple2. Même si les recherches biologiques tâtonnent, les thérapies se multiplient : entre thérapies de couples, sexothérapies, soutien psychologique personnel, et thérapies comportementales et cognitives (qui ont montré leur efficacité1,2), il faut piocher, se lancer, s’offrir l’occasion de se renouveler sexuellement, de re-sentir du plaisir, de donner droit de vie au plaisir si sensuel des femmes.
La vision de certaines sociétés est encore à déplorer lorsque l’on constate des femmes encore et encore excisées, mais l’énergie ne doit pas retomber. C’est un combat, plus qu’individuel, universel, qui touche toutes les femmes, dans leurs droits, leur vie de famille, leur épanouissement, et leur rapport au couple.
Certes, la compréhension du trouble reste fredonnante, de même que l’élaboration de nouvelles thérapeutiques, mais le droit de parler, d’en parler, doit s’obstiner.
*Women’s International Study Of Health And Sexuality


1Palacios S (2011), Hypoactive Sexual Desire Disorder and current pharmacotherapeutic options in women, Women’s Health 7(1), 95–107
Obstétrique & Fertilité 39, 28-31
2Mimoun S (2011), Qu’est-ce-que le trouble du désir sexuel hypo-actif ?, Gynécologie



A lire :
Qui a peur du point G ? Le Plaisir féminin, une angoisse masculine, d’Odile Buisson et Pierre Foldès (éd. Jean-Claude Gawsewitch), 18,90 €.


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